On n'a plus de Chef !

Publié le par Oiseau2nuit

Rassurez-vous, on ne nous a pas couper la tête mais ca y est, c'est fini. Depuis maintenant 4 jours, on n'a plus de chef. Partie. Disparue. Evaporée. Bon, ok, elle n'est pas morte bien que tel que je l'ai annoncé, on pourrait croire que. Non, elle a démissionné. Au grand bonheur de la Direction, qui estime qu'une surveillante de nuit n'est pas nécessaire. Et pour cause, pendant les 3 prochains mois, nous sommes mis sous surveillance pour estimer notre besoin en chef. Le gag.



La nuit nous sommes souvent, à quelques rares exceptions près,  livrés à nous mêmes de par le fait que les médecins, supposés être de garde, daignent rarement se déplacer quand on les appelle pour un souci avec un patient. Quand ils ne décident pas tout simplement de filtrer nos appels et de nous rappeler que quand ils estiment que ça en vaut la peine. Quant au médecin réanimateur qui est sur place, si le cas n'est pas une urgence vitale, il nous envoie tout simplement promener. Il n'y a que les anesthésistes, en général, de bien. Mais bon, nous, on a une liste de médecins de garde alors qu'ils nous rabrouent ou pas, on appelle; Ben vi, faut bien se couvrir ! Et on consigne toutes leurs réponses ou non-réponses dans le dossier patient. Après, ils assument.


Cette nuit, on a eu un « souci » avec un patient. Un homme d'une cinquantaine d'années. Opéré il y a à peu près une semaine d'une hanche. Monsieur très charmant au départ. Puis un jour, il s'est montré très nerveux, agressif, bizarre. Mes collègues de jour se sont inquiètés d'un tel comportement qui ne lui ressemblait pas. Alors un IDE lui a posé clairement la question : est-ce que vous buvez ? Et là, tout simplement, le patient a répondu que oui, il buvait, jusqu'à 5 bouteilles de vin par jour. Ah ok ! Donc, le patient était tout simplement en décompensation. Super découverte !

Le nécessaire a été fait. Mais mis à part le traitement médical, que pouvait bien faire une malheureuse petite bouteille de vin à côté de ses 5 quotidiennes ? Je vous le demande. Donc, ce qui devait arriver, arriva. Le monsieur est entré en DT. Qu'est-ce qu'un DT ? Un Délirium Trémens.

Ca a commencé durant la journée avec nos collègues de jour. Puis, vers 23 heures, qui voyons-nous débarqué à la porte de notre bureau ? Le patient en question. Habillé. Ses affaires à la main. L'IDE intérimaire le prend en charge mais ne comprend rien à ce qu'il raconte. Elle ne le connait pas, il ne fait pas partie des patients qu'elle a en charge. Mes oreilles trainant de la salle de soins, je la sens en difficulté. Donc je me rapproche et reconnaît le patient dont je m'occupais la semaine dernière - entre temps, j'ai changé de secteur et d'IDE avec mon collègue, comme tous les mois, pour éviter la lassitude et le train-train - . Donc, je me rapproche, salue le patient et lui demande ce qui se passe. « Je souhaite poser une main courant. J'ai un contrat. On veut m'assassiner. Je dois partir. Avec tous ces jeunes qui défilent sur le balcon et qui fument leur joint ! » Ah ok d'accord ! Bon, ben je vais appeler le cadre de garde – ben vi, on n'a plus de surveillante de garde sur place.

Je préviens en passant l'IDE en charge de ce patient et appelle le cadre de garde. Devinez qui c'est ! Le Directeur en personne. Sa réponse ? Le médecin urgentiste ne peut pas venir lui faire une piqûre ? Non, Monsieur, ça ne se passe pas comme ça ! L'urgentiste ne touche pas aux patients hospitalisés, leurs médecins ne veulent pas, ça leur fait perdre des sous, ils préfèrent qu'on les appelle eux ou leur répondeur. Donc, ben, faut appeler son chirurgien. Bien Monsieur, je vais donc faire ça. En fait, mon appel était de pure forme, j'aurai pû m'en dispenser. Mais bon, j'ai un petit côté sadique caché quelque part au fond de moi et qui parfois se force un passage à la surface. Nul n'est parfait ;-))

Bon, où en étais-je ? Ah oui, le patient en plein délire. Avec son voisin qui commence à en avoir plus qu'assez. Un méchant celui-là. Pas poli, sans-gêne. Bref. Nous, tout ce qu'on veut, c'est éviter une tuerie. Parce que l'un ou l'autre, pour des motifs différents, risque de plomber l'autre. Le chirurgien nous prescrit par téléphone du Tranxène. Il a eu son patient au téléphone, qui l'air de n'y rien comprendre, lui a affirmé mielleusement qu'il ne voulait pas s'en aller, que tout allait bien. Grrrrrr ! Donc le patient accepte le médoc et retourne se coucher. Son voisin ne dort plus. On lui propose d'aller dans la dernière chambre particulière qui nous reste afin qu'il puisse dormir un peu et surtout afin d'éviter qu'ils ne s'entre-tuent.


Au tour de 2 h, que voit mon collègue ? Le patient délirant en train de virer toutes les affaires de son voisin. Il y avait en effet une fuite de gaz carbonique et un passage incessant de gens. Dixit le patient évidemment. Ok d'accord. Manque de pot, le voisin arrive sur ces entrefaits. On frôle le lynchage ! Mon collègue l'empêche de rentrer dans la chambre, lui remet ses clés et son portefeuille et lui recommande d'attendre le lendemain pour venir vérifier ses affaires en présence d'un membre de l'équipe. Il accepte. Ouf !!! On a évité le pire. Le reste de la nuit se déroule sans heurts.

Qui voit-on revenir au bureau à 7h moin le quart ? Notre cher patient délirant de la nuit, toujours délirant et encore plus décider à partir. Seulement voilà, il est sensé partir en ambulance pour un centre de rééducation. Si on le laisse partir maintenant, où va-t-il aller ? Peut-on consciemment le laisser sortir contre avis médicale ? Nous ne répondrons pas à cette question, nous aurons la réponse ce soir car grâce à la continuité des soins, on a refilé le bébé à nos collègues de jour. Ben vi, 7h45 c'est l'heure des transmissions et à 7 h, ben nous, on se casse. J'ai hâte d'être à ce soir pour avoir la suite de l'histoire !


Bref, finalement, sans chef, on s'en est bien tiré. Bon, cela aurait peut-être été différent q'il y avait eu baston entre les 2 patients. Mais il faut reconnaître que quoiqu'en dise certains, la chef était quand même utile parfois. On pouvait se décharger de pas mal choses qui nous auraient plombé la nuit. Elle servait de relai avec le jour. On pouvait voir avec elle directement pour nos problèmes de planning. Vu qu'elle nous voyait bosser, elle était apte à nous faire passer les entretiens annuels. Bon, maintenant, c'est la chef de jour qui va s'en occuper. Mouais.


Bref, la Chef, même si elle avait un débit de parole hallucinant et une capacité surprenante à endormir la plus vaillante des mouches grâce au ronron de sa voix – elle pouvait parler non-stop pendant 2 heures, admirez l'exploit ! - ben, je suis sûre que parfois, elle nous manquera, de par sa fonction du moins.


On a 3 mois pour prouver, ou pas, à la Direction qu'une surveillante de nuit est utile. On verra bien. Vous me direz, vaut mieux n'avoir personne, qu'une surveillante qui va nous faire chier toute la nuit. Parce que la nôtre, quoiqu'on dise, nous foutait une paix royale. Elle était super cool et nous laissait faire ce qu'on voulait.

Si jamais ils nous mettent un dragon dans les pattes, on est mort. On sait ce qu'on perd mais on ne sait pas ce qu'on va trouver après. Donc, taisons-nous, débrouillons-nous et restons sans chef. Ou alors, choisissons nous-mêmes notre propre chef ! Yes !

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T
Si mon chef pouvait faire comme la tienne et disparaitre, ça serait le meilleur cadeau dont je pourrais rêver pour ces fêtes de fin d'année. Et si la direction veut estimer notre "besoin en chef", je peux te le dire dès maintenant, il vaut mieux un gros bordel sans chef qu'un gros bordel avec chef.
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